D’Amécourt inquiet pour les ruraux
L’opposition de droite estime la réforme territoriale en cours de discussion au Parlement « dévastatrice pour le monde rural » et lance une pétition.
Pour les treize conseillers généraux de droite en Gironde, l’heure est grave. La réforme territoriale pour les départements les inquiète. « Elle va laminer le monde rural », estime leur chef de file UMP, Yves d’Amécourt.
Le projet de loi, en cours de discussion au Parlement, prévoit pour la Gironde une réduction du nombre de cantons de 63 à 32, chacun étant représenté par un tandem homme-femme. Pour chacune de ces nouvelles circonscriptions cantonales, le ratio de population a été fixé à 44 000 habitants, plus ou moins 20 % en fonction des territoires.
« Dans les campagnes, on va avoir des cantons mammouths qui en regrouperont six ou sept existants, avance le conseiller général du canton de Sauveterre-de-Guyenne. Cela va forcément générer des défauts de représentation du monde rural au profit des urbains. En Gironde, le futur conseil départemental sera entre les mains des élus des villes. »
Son groupe Gironde Avenir vient de lancer une pétition demandant au gouvernement de retirer ce projet de loi pour les départements. Ses représentants vont également dans les prochaines semaines entamer une tournée pour expliquer tout le mal qu’ils pensent de cette nouvelle réforme. Réalité de terrain « occultée »
Outre le déséquilibre entre campagne et ville, ils craignent aussi que les représentants de droite soient les grands perdants de ce nouveau mode de scrutin. « Peut-être resterons-nous présents sur le bassin d’Arcachon, mais ailleurs…, soupire Yves d’Amécourt. Les communistes aussi devraient disparaître des rangs de l’Assemblée départementale. » Et de ne pas croire à une « entente pérenne absolue » dans des binômes qui seront par exemple composés de deux élus de différents partis de gauche.
Son collègue Jean-Pierre Baillé, conseiller général du canton de Grignols s’inquiète aussi du rôle des futurs élus sur le terrain. « Actuellement, nous travaillons dans la proximité, parons aux urgences du quotidien de la population. À l’avenir le conseiller départemental devra en milieu rural superviser un territoire de 70 à 80 communes. Comment pourra-t-il concrètement continuer son travail de terrain ? »
« Quel est l’objectif de cette réforme ?, poursuit-il. Assurer la parité au sein des élus départementaux ? Il y avait d’autres moyens pour la mettre en place. »
La révolte des élus des champs contre ceux des villes aura-t-elle lieu ? « Nous sommes aujourd’hui gouvernés par le monde urbain qui prend la campagne pour une carte postale, regrette Yves d’Amécourt. On nous demande de faire des trames bleues, vertes. On oublie que cette campagne nous fait vivre et quel est notre travail d’élu sur le terrain. »
Un équilibre pas si simple
Les positions du chef de file de Gironde Avenir ne sont pas si éloignées de celles de son meilleur ennemi. Bien qu’ayant souscrit au projet de réforme teritoriale présenté au Sénat, le président socialiste Philippe Madrelle s’est dit, lors de ses vœux, « très attentif à sauvegarder les cantons ruraux ».
Pour le politologue Jean Petaux, ce défi ne sera pas si aisé. « La démographie joue contre ce choix. Si le critère des 44 000 habitants avec plus ou moins 20 % selon des territoires est appliqué, il sera très compliqué de trouver 16 cantons ruraux. » Actuellement, les cantons de Blanquefort, Audenge, La Teste, Créon, Bordeaux 8 (Caudéran), Gradignan, Talence, Saint-Médard-en-Jalles, Libourne dépassent le seuil des 44 000 habitants. Leurs conseillers généraux ont aujourd’hui le même poids que ceux, à l’autre bout du spectre, de Captieux (2 133 habitants) ou Pellegrue (2 827 habitants).
La faute à un redécoupage aux minima depuis deux siècles. « La réforme va néanmoins sauver la peau des départements, à l’inverse de la précédente (sous le gouvernement Fillon). Elle va leur permettre d’exister à côté des agglomérations, mais les zones urbaines seront bénéficiaires. »
Se pose aussi une autre question. En cas de l’application du non-cumul des mandats, ces nouveaux élus territoriaux ne pourront pas faire de doublon. « Les maires des petites villes touchent des indemnités de misère. C’est aussi pour ça qu’ils cumulent. Cette réforme touche aussi la question du statut de l’élu. »