Il est certainement loin le temps du rapport Brundtland, 1987 déjà ! Ce rapport publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre Avenir à Tous définissait la politique nécessaire pour parvenir à un « développement durable ». Ce rapport qui établissait l’idée des limitations que nos techniques et notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. Depuis cette date, l’expression développement durable s’est répandue dans le monde entier et vous-même ne vous êtes pas privé avant même d’initier toute action de ce Conseil général dans ce sens d’ajouter cette expression à la présentation de toutes vos actions. A présent, il s’agit de mettre en conformité réelle nos décisions avec ce concept. C’est devenu une urgence, une nécessité.
En effet, les prévisions d’augmentation du trafic de personnes et de marchandises sont exponentielles : on passera de 35 à 54 millions de voyageurs en mode routier en 2025 sur le seul corridor Sud Europe Atlantique, de 45 millions de tonnes transportées par la route sur ce même axe, à une fourchette qui va de 66 à 85 millions de tonnes. Le trafic de transit au droit de l’agglomération bordelaise passerait lui de 6000 poids lourds à une fourchette de 8600 à 10500 en 2025.
2025, c’est du court terme en politique de transports et c’est bien aujourd’hui qu’il faut choisir, effectuer des choix politiques, pour agir et réaliser demain.
Car depuis l’alerte donnée par le rapport Brundtland, les scientifiques n’ont cessé d’alerter les pouvoirs politiques et le changement climatique dont nous commençons à noter les effets est en route. Il nous reste peu de temps pour le freiner et réduire ses effets. Le GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui réunit des milliers d’experts, qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 2007 considère comme cruciales les années 2010 à 2020 pour mettre en place les mesures nécessaires afin de préserver les conditions de vie et de températures globales. L’urgence est bien d’infléchir sur le long terme la tendance du réchauffement et d’arriver à une stabilisation des taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, afin de limiter la hausse de la température du globe entre 2 et 2,4 degrés. Sans quoi le réchauffement prendrait des proportions pouvant nuire à l’espèce humaine.
Les obligations de résultat liées au changement climatique, 94% des émissions de gaz à effet de serre, proviennent du transport routier (25% de ces émissions viennent des poids lourds et 55% des véhicules individuels). Nous avons donc une responsabilité collective qui dépasse nos compétences départementales strictes car il nous faut désormais afficher et contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Le Grenelle fixe comme objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Nous n’y parviendrons qu’en conjuguant les politiques publiques municipales, départementales, régionales, nationales et internationales. Il nous faut bien agir localement.
La voix du département doit se faire entendre de manière forte, distincte et unanime. Atteindre ces objectifs passe par l’abandon du grand contournement routier et par d’autres priorités données à notre action. Ces priorités quelles sont-elles ? Face à un si vaste problème, il n’y a pas de solution mais un ensemble de solutions. Les voici : C’est pour reprendre un terme un peu technocratique, le report modal. C’est-à-dire le transfert vers d’autres modes de transport des flux de personnes et de marchandises. C’est pour les marchandises, le développement du cabotage maritime sur l’axe de l’Arc Atlantique. C’est la remise en selle de transports maritime et fluvial. Dominique Bussereau a signé l’accord sur 2 autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne le 28 avril dernier. C’est un report modal de 100 000 poids lourds par an qui est ainsi escompté et contribuerait à augmenter de 14 à 25% la part du fret non routier. Même si nous ne sommes pas directement concernés par la première signature, la Gironde se doit d’y être attentive et en veille car nous avons là l’opportunité de désengorger notre corridor Hendaye-Paris.
C’est également la Ligne à Grande Vitesse pour les voyageurs et le transfert vers le fret ferroviaire pour les marchandises.
Nous connaissons tous les hésitations des uns et des autres mais là aussi la Gironde doit au-delà des choix budgétaires faire entendre sa voix et dire haut et fort son engagement. Il nous faut inverser la tendance du nombre de déplacements en voiture qui a augmenté de 70% depuis 1978, du trafic routier de marchandises qui a augmenté de 15% à la frontière espagnole entre 2003 et 2006, du transport routier des marchandises qui a augmenté de 43% en moins de 15 ans.
C’est également la priorité donnée dans notre appareil de production, dans notre consommation de biens aux produits locaux tout comme les fruits et légumes de saison. Nous avons là un vrai changement culturel à opérer. C’est vrai que le fait de ne manger de cerises en hiver vous fait encore sourire Monsieur le Président mais c’est bien de cela qu’il s’agit pour que les produits en cours d’assemblage ou de transformation en Europe comme dans notre région ne fassent plus parcours qui se chiffrent en milliers de kilomètres parcours, notamment dans l’agro-alimentaire. 9000 kilomètres : c’est la distance cumulée parcourue en moyenne par une dose de lait, de fruits, des matières plastiques avant de finir en pot de yaourt dans notre réfrigérateur.
Il faut en finir avec le monstre du Lochness qu’est le contournement autoroutier. Et je parle de monstre car un tel projet a un aspect monstrueux à l’heure où nous parlons car il engagerait nos descendants, les jeunes générations et les générations à venir vers une impasse et une voie sans issue. C’est la fausse bonne idée par excellence. Je souhaite, Monsieur le Président, que vous nous indiquiez aujourd’hui votre engagement sur les solutions que j’ai proposées et le renoncement irréversible au grand contournement.
Michel DUCHENE
Conseiller général Bordeaux III