Libérées de la gestion du quotidien, tournées vers l’Europe et l’attractivité, les régions joueront alors pleinement le rôle auquel elles sont destinées. C’est en confiant aux conseils généraux les routes, les transports scolaires, l’ingénierie territoriale, le tourisme, et même, pourquoi pas dans un souci de mutualisation cher à Jean-Paul Delevoye, les lycées, que ces nouvelles régions seront plus efficaces. Ces propos sans doute partagés au-delà des bancs du groupe DCI, sont la simple expression de l’esprit du rapport Raffarin-Krattinger, qui en octobre 2013 actait le consensus droite / gauche autour de la réforme territoriale, sujet d’intérêt national s’il en est. La démarche proposée est en fait celle du binôme (sourires) : département / région mais aussi collectivités / Etat. La réforme de l’Etat est indissociable de celle des territoires. A cet égard, même le chef du gouvernement constatait, le 28 octobre : « les doublons concernent aussi l’action de l’Etat ». Et de poursuivre ainsi : « clarté, efficacité, baisse de la dépense publique, proximité : voilà ce que nos concitoyens attendent de leurs institutions ». Nous ne pouvons que souscrire, encore faut-il que ces déclarations se traduisent en actes lors du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, prévu après l’examen de la loi de finances. Les conseils généraux ont besoin d’un Etat efficace. En effet, « qui trop embrasse mal étreint ». En d’autres termes réformer c’est choisir, ce qui suppose pour l’Etat de faire confiance aux collectivités pour exercer pleinement leurs compétences et faire ainsi disparaître certains doublons, comme par exemple, les services sociaux déconcentrés. Dans le même mouvement, si tous les services départementaux de l’Etat étaient effectivement placés sous l’autorité du préfet, l’efficacité de la coopération avec tous les présidents de conseils généraux en serait nettement renforcée. Au travers des préfets, représentants de l’Etat, c’est l’attachement à l’ADN Républicain que nous manifestons : communes, départements, Etat forment à mon sens le socle national.
Bien sûr, « aucune organisation politique ne peut s’abstraire des conditions de son époque » comme le disait Pierre Mauroy. Par conséquent, oui, la réforme de la carte régionale est nécessaire mais en évitant toute dérive fédéraliste. L’occasion d’exprimer mon inquiétude après avoir écouté le Premier ministre déclarer : « je propose que le Gouvernement et l’ensemble des présidents de région se réunissent régulièrement ». Est-ce à dire qu’existerait une relation privilégiée avec eux, à l’instar des rapports entre Mme Merkel et les 16 présidents de Land ? Et concernant le pouvoir réglementaire, je forme le voeu que le préfet de région en dispose seul, et non les chefs d’exécutifs régionaux, pour conserver l’unité de l’Etat et garantir le respect du principe d’égalité sur l’ensemble du territoire. De même, l’exercice du droit d’option heureusement encadré par le Sénat, doit se comprendre comme un ajustement à la marge de la nouvelle carte régionale, sous peine d’ouvrir la boîte de Pandore, au fond de laquelle n’est resté comme chacun sait, au final, que l’espérance. Trop ouvert, le droit d’option pourrait en effet conduire à fragiliser la cohésion nationale, s’il est inspiré par des réflexes identitaires. Pour réduire le nombre des situations à risques, la meilleure piste consiste sans doute à garantir à chaque département une représentation équilibrée au sein des futurs conseils régionaux. Le Sénat a récemment porté le nombre minimum d’élus de 3 à 5. Espérons que l’Assemblée nationale maintienne cette avancée. Après la réorganisation territoriale, évoquons à présent l’autre thème du projet de loi, examiné la semaine passée par le Sénat en seconde lecture : les prochaines élections départementales et régionales. S’agissant des premières, annoncées les 22 et 29 mars prochains, je me félicite que le Sénat soit revenu sur l’article 46 du projet de loi de finances qui prévoyait de remplacer l’envoi des professions de foi des candidats par la consultation de sites dédiés via internet.
La recherche légitime d’économies ne doit pas se faire aux dépens de la bonne organisation des élections. Mais comment a-t-on pu avoir une idée pareille ? Ne sait-on pas, au Gouvernement, que le haut-débit n’est tout simplement pas disponible partout en France ? D’aucuns accusent même l’exécutif d’avoir tenté par ce moyen de nourrir l’abstention pour minorer une nouvelle défaite annoncée. Rendez-vous compte ! Veiller à la bonne organisation du suffrage supposerait aussi de maintenir les élections départementales en décembre, tout simplement pour laisser au Gouvernement le temps de terminer sa réforme puis de communiquer pour informer les citoyens de ces importantes évolutions. En d’autres termes, le Gouvernement doit veiller à ce que les citoyens soient en mesure d’exprimer un vote éclairé. Inutile d’ajouter que l’abstention serait sans doute plus faible si le couplage avec les élections régionales était maintenu. D’aucuns craignent les fourches caudines du conseil constitutionnel. Pour ma part, je ne doute pas que les sages aient le sens des responsabilités et de l’intérêt général. Le sens des responsabilités et de l’intérêt général, les départements du groupe DCI en font avec constance la démonstration chaque année, en proposant à l’ADF des mesures courageuses. Avoir les moyens d’assumer ses compétences, c’est la première des responsabilités des élus que nous sommes. Aujourd’hui, le financement des allocations de solidarité nationale est en péril. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA), la prestation de compensation du handicap (PCH), l’aide sociale à l’enfance (ASE) et le revenu de solidarité active (RSA) sont si mal compensés par l’Etat que les finances départementales sont gravement fragilisées. Certes cela ne date pas d’hier : l’Etat n’assume plus ses politiques nationales de solidarité, celles que nous assumons, nous, chaque jour, à sa place. Pour sortir de cette impasse, dans un souci d’équité, le groupe DCI espère des solutions cohérentes, comme par exemple le rétablissement de la journée de carence ou encore la fin de nos cofinancements aux politiques régaliennes que sont la construction et la modernisation des gendarmeries, comme du réseau routier national, sans parler de l’enseignement supérieur pour ne citer que quelques illustrations.
Malgré ces quelques pistes, chacun sait que seule une réforme de la fiscalité locale constitue une réponse durable aux défis auxquels nous sommes confrontés. Il est temps que le Gouvernement remette à plat un système fiscal devenu obsolète. Plus largement, si l’effort de redressement des comptes publics doit associer les collectivités locales, il doit être juste, proportionné et efficace. Juste, en permettant aux collectivités d’exercer pleinement leurs compétences. Proportionné, en ajustant l’effort dans le temps pour éviter qu’une baisse trop forte des dotations de l’Etat, de plus de 12,5 milliards d’euros d’ici à 2017, ne paralyse l’action publique. Efficace, en anticipant les effets récessifs sur le tissu économique local et sur l’emploi dans nos territoires. L’investissement de nos collectivités, c’est plus de 70% de l’investissement public, donc des carnets de commande et de l’activité, notamment dans le monde rural, déjà lourdement frappé par la réorganisation des services publics. Au vu des effets annoncés sur des pans entiers de l’économie, comme le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), l’efficacité de cette décision pose réellement question. Nous demandons au Gouvernement une évaluation de l’impact économique et social de ces mesures sur nos territoires. En période de difficultés économiques, lorsque la ressource publique se fait rare, l’innovation comme la mutualisation sont autant de moyens de sortir de l’impasse. Constamment, le conseil général innove et se renouvelle pour rester en phase avec les attentes des Français. L’innovation, voilà l’occasion qui m’est donnée de saluer l’initiative de notre président Claudy LEBRETON, en ce 84ème et dernier congrès de l’ADF avant le prochain renouvellement. Il s’agit de la remise, ce soir, des Prix de l’innovation pour lesquels plus de 50 départements ont fait acte de candidature, totalisant 120 dossiers toutes catégories de prix confondues.
Grâce à cette manifestation, l’intelligence territoriale est mise à l’honneur, en résonance avec le rapport de notre collègue Rémy CHAINTRON, président du conseil général de Saône-et-Loire, rapport intitulé : « Innovation dans les politiques départementales ». En conduisant cette mission pour le compte de l’ADF, il a mis en lumière de nombreuses coopérations innovantes interdépartementales, loin des stéréotypes auxquels on nous renvoie souvent. J’en conseille la lecture à tous ceux qui pensent encore que le département serait « has been ». L’objectif de ces remises de prix est simple : mutualiser les bonnes pratiques. Comme tous les observateurs le constatent, le département reste synonyme d’efficacité, d’actions concrètes, de proximité, d’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et surtout d’adaptabilité, au temps comme aux circonstances. Mes chers collègues, en dépit de ce constat partagé, nos approches divergent sur la réforme territoriale, tant sur la méthode que sur le fond. La concertation, le Gouvernement en parle sans jamais la faire, même pas avec sa propre majorité à l’ADF. Sur le fond, cette réforme est dispendieuse, incompréhensible et inefficace. A quelques mois des échéances électorales, par souci de clarté et de transparence envers nos concitoyens, le groupe DCI entend porter ses propres propositions, à même d’incarner l’alternance à l’ADF dès le mois d’avril prochain. Chacun comprendra dès lors que nous ne cosignerons pas la motion proposée par le groupe majoritaire. Mon cher Claudy, plutôt que de perdre notre temps en négociations pour aboutir à un texte qui ne satisferait personne, je propose que chacun assume ses différences, qui enrichissent le débat démocratique. Je vous remercie.