L’augmentation de ces dépenses sociales est une tendance lourde, en raison notamment du vieillissement de la population. Ce constat inquiète tous les présidents de conseils généraux, sans exception, car ils n’ont quasiment aucune prise sur cette évolution. Vingt-cinq conseils généraux connaissent d’ores et déjà des difficultés très sérieuses. Nos collectivités risquent à moyen terme si nous continuons sans rien changer de ne plus pouvoir faire face à ces charges d’autant que la réforme de la taxe professionnelle a réduit l’autonomie fiscale des départements, ceux-ci ne sont plus en capacité de lever les mêmes sommes que dans le passé. La grande majorité de nos assemblées a déjà adopté des mesures d’économie en diminuant, par exemple, l’aide aux associations et/ou aux communes, en reportant certains projets d’investissement et en se recentrant sur nos compétences obligatoires. L’essentiel des marges de manœuvre a déjà été utilisé sauf à accepter d’abandonner des pans entiers de compétences. Ces aides en faveur du milieu associatif, culturel ou sportif ne sont pas « superflues », même si elles sont qualifiées de « non obligatoires » par les textes. Elles renforcent l’attractivité des territoires ruraux en permettant l’accès à des activités indispensables à la qualité de vie et en favorisant le désenclavement grâce à l’Internet à très haut débit par exemple.
Si l’Etat reconnaît pleinement l’utilité et le savoir-faire des conseils généraux, notamment en termes d’aménagement du territoire et d’infrastructures, il n’a cependant pas encore pris la mesure exacte de la réalité des difficultés de nos collectivités. En chargeant Pierre Jamet de rédiger un rapport sur le sujet, le premier ministre a fait un pas en direction des départements.
TROUVER UN MODE DE FINANCEMENT JUSTE ET PÉRENNE
Le diagnostic produit est intéressant même si les propositions ne répondent que partiellement aux besoins. Les critères de fragilité des conseils généraux semblent bien identifiés. Il est indéniable que certains départements sont soumis à des charges lourdes en raison de leurs spécificités (population âgée, revenu par habitant faible, frais de viabilité hivernale sur la voirie départementale, densité peu élevée, taux de chômage important…) sans pouvoir s’appuyer sur des bases fiscales suffisantes. L’Etat doit pouvoir apporter à ces derniers son soutien par une péréquation nationale afin de leur donner la capacité d’assurer les missions que la loi leur a confiées.
Mais cette péréquation devra rester distincte du financement de la décentralisation sociale. Les départements partagent le même désir de trouver un mode de financement juste et pérenne pour les trois prestations versées pour le compte de l’Etat.
Au-delà des polémiques stériles, les quarante-quatre présidents de conseils généraux du groupe de la droite, du centre et des indépendants (DCI) entendent participer avec l’Etat à l’élaboration de solutions à la hauteur des enjeux.
Ni la confrontation, ni le contentieux devant les tribunaux ne peuvent apporter de réponses aux défis qui sont les nôtres. Les départements n’ont jamais eu vocation à devenir des contre-pouvoirs au gouvernement, quel qu’il soit.
Si des situations locales parfois difficiles ont pu conduire à des déclarations excessives, seule une attitude constructive peut, à mon sens, nous permettre d’éviter deux écueils : l’instrumentalisation à des fins politiques et le statu quo qui n’est plus tenable. Ce débat mérite mieux. La responsabilité de la situation actuelle est largement partagée à droite comme à gauche. Elle repose sur des décisions prises par les gouvernements successifs, notamment depuis 2001 avec le vote de l’APA.
Le temps de la décision est venu. La loyauté au gouvernement n’entame en rien la détermination des présidents des conseils généraux du groupe DCI à bâtir avec l’Etat un système de financement pérenne des prestations sociales dans notre pays.
Bruno Sido est sénateur, président du conseil général de Haute-Marne et secrétaire général de l’assemblée des départements de France.
Source : LEMONDE.FR du 06.05.10