Intervention d’Yves d’Amécourt lors des Orientations Budgétaires 2010, le 01 février 2010
Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Avant de démarer mon propos, je souhaitais dire à Yves Lecaudey toute l’estime que j’ai pour lui, même si nous avons des divergences de vue.
Je souhaite dire à Jean-Jacques Paris que si il souhaite que nous signions une tribune commune sur le sujet de la re-nationalisation de l’APA, du RSA, du SDIS et de la PCH, je suis près à le faire.
Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Nous attendions cette réunion avec impatience, afin de pouvoir faire valoir, dans cet hémicycle, notre vision des finances du Conseil Général de la Gironde.
Nous ne disposons pas, comme vous, du budget de communication de notre collectivité pour informer les Girondines et les Girondins. Il nous faut donc attendre, pour le faire, les organes prévus par notre démocratie locale.
Vous le verrez dans la suite, chers collègues, si nous partageons avec vous un certain nombre de chiffres et de connaissances de nos finances, nous ne partageons pas la plupart des analyses que vous en faites. C’est le moins que l’on puisse dire.
Nous avions, avec vous, souhaité que le vote du budget soit repoussé en mars, afin de pouvoir élaborer un budget en s’appuyant sur connaissance du compte administratif de l’année 2009 écoulée.
Malheureusement, si vous connaissez les grandes tendances du compte administratif 2009, tel n’est pas notre cas. Notre avis sera donc basé sur les informations que nous avons glanées ici où là :
- Dans l’audit des finances du Conseil Général, réalisé par le cabinet Michel Klopfer et présenté en séance privée, lundi dernier.
- Dans le discours du Président de la Chambre Régionale des Comptes.
- Dans les résultats de l’observatoire des charges transférées et des nouvelles charges.
En effet, contrairement à nous, ces instances ont eu la chance de disposer d’informations sur le compte administratif 2009. Nous n’en avons pas. Ainsi va la transparence dans notre belle collectivité.
L’exposé de Michel Klopfer a été un pur bonheur…
Il a retracé en quelques diapositives ce que nous disons de puis longtemps :
- L’augmentation des charges liées à l’APA qui a été mise en place sans qu’aucune règle de compensation n’ait été inscrite dans la loi ! Quel manque de responsabilité et de lucidité pour nos parlementaires de l’époque.
- La loi dite de « responsabilité locale » de février 2002 et le passage aux 35 heures, qui, conjugués, ont fait exploser les dépenses du SDIS et la charge que cela représente pour le Conseil Général de la Gironde.
- La croissance des droits de mutations qui a permis au Conseil Général de la Gironde de se désendetter, d’assumer les charges transférées et les nouvelles charges tout en maintenant l’investissement.
- La participation du Conseil Général au plan de relance du gouvernement qui a fait descendre l’épargne brute en 2009, mais sans mettre en danger les finances.
Ajoutons à cela les résultats de l’observatoire des charges transférées qui fait état d’un montant de 211,41 M€ observé sur les comptes administratifs de 2004 à 2009 inclus.
Ce chiffre, contrairement à ce qui est dit ici où là, nous ne le contestons pas. Nous assistons aux réunions de l’observatoire depuis son origine. C’est nous qui avons demandé sa création.
En revanche, nous contestons le fait que vous ayez rebaptisé cette charge : « dette de l’Etat » !
A ce sujet, vous faites deux erreurs comptables – ne croyez pas qu’en disant cela je souhaite vous donner un cours particulier – Je n’ai pas cette prétention, et j’ai bien conscience qu’il y a dans notre hémicycle, des professionnels de la comptabilité et même quelques experts comptables :
- La première erreur est de confondre une charge et une dette. Ce n’est pas parce qu’une charge existe, qu’elle constitue une dette. Lorsqu’une dette existe, elle fait l’objet d’une écriture comptable. Or, j’ai eu beau écouter les exposés des uns et des autres, je n’ai jamais entendu parler de « dette de l’Etat » !
- La seconde erreur est d’oublier de signaler que cette charge qui augmente est largement équilibrée par une recette qui globalement augmente. Il s’agit des droits de mutation qui sur la même période 2004 à 2009 compris, ont augmenté de 239,10 M€. Il est donc faux de prétendre, comme je l’ai entendu jeudi, que pour financer cette charge (que vous appelez « dette ») on a du avoir recours à la fiscalité sur les ménages ! Pourquoi est-ce que j’insiste sur cette recette ? Et bien parce qu’au moment de la mise en place de l’APA, les sénateurs Présidents de Conseils Généraux avaient demandé à Lionel Jospin : « Monsieur le Premier Ministre, comment allons nous financer l’APA dans les conseils généraux ? » Lionel Jospin avait répondu : « Avec les droits de mutation ». Mais cela non-plus n’était pas écrit dans la loi, pas plus que la compensation promise de 50% de l’Etat ! J’ajoute ici que l’observatoire sous estime le coût réél de l’APA pour notre collectivité.
Les résultats de cet observatoire sont édifiants. Il montre combien nos parlementaires de l’époque ont manqué de clairvoyance lorsqu’ils ont adopté notamment en 2001, les lois qui avaient comme objectif la mise en place de l’APA et en 2002 la loi « responsabilité locale ». Ces deux lois représentent à elles seules plus de la moitié des charges constatées par l’observatoire.
Nous sommes finalement devant une scène ubuesque où Philippe Madrelle, Président du Conseil Général, est comptable des erreurs de Philippe Madrelle, Sénateur. Et non content d’en être le comptable, voilà qu’il affiche le compteur de ses erreurs sur le fronton de notre collectivité ! Mais au lieu de se les attribuer, il les attribue à l’Etat !
Mais fermons là, la parenthèse. Car j’insiste, cette charge, qui n’est pas une dette est compensée par une recette. En intégrant le compte administratif 2009, l’excédent entre la recette et la charge est encore de 27,69M€.
Ce qui est au cœur de notre débat, aujourd’hui, se sont les finances du Conseil Général de la Gironde.
Quel Constat pouvons-nous faire ?
On constate une diminution des recettes de fonctionnement et une hausse des dépenses de fonctionnement. Cela s’explique principalement par deux phénomènes :
- les effets de la crise qui ont entraîné une baisse très importante des droits de mutation en 2009 (- 48 M€) et une augmentation des charges à caractère social
- une incapacité de la majorité à maîtriser les dépenses de fonctionnement : notons le recours tardif à une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois, l’absence de méthode d’achat dans les processus d’achats, et les hausses inopinées des frais généraux.
On note conséquemment la baisse du taux d’épargne brute qui est passé en un an de 12% à 8% et une hausse du recours à l’emprunt.
Ce phénomène trouve, bien sûr, son explication dans l’effet ciseau évoqué plus haut qui impacte l’épargne brute, mais aussi dans la participation au plan de relance gouvernemental. Une participation que nous avons souhaitée et que notre collectivité a eu raison de mener. Cette participation a généré en 2009 un record au niveau des investissements de 268 M€ dont nous ne pouvons que nous féliciter, pour la Gironde, et pour les Girondins.
Nous avons pu bénéficier pour nous y aider de l’avance de FCTVA de 20 M€ supplémentaires. Nous bénéficierons en 2010 du retour du FCTVA lié à ces investissements.
Mais la conclusion de tout cela et c’est le plus important, c’est la reconnaissance dans votre rapport, Monsieur le Président, que « la situation financière du Département est loin d’être catastrophique ». C’est écrit page 59 du rapport.
Position que nous affirmons depuis des années et que le cabinet Klopfer a confirmée…
Dans une période de crise comme celle que nous traversons la capacité de désendettement représentait en 2008, 1,9 an. Elle représente en 2009, 4,7 années! Alors qu’en Seine Maritime, elle représente 15 années !
Quelles sont les perspectives pour 2010 et les années suivantes ?
En 2010, la réforme de la fiscalité locale aura relativement peu d’impact sur nos finances dans la mesure où seule la TP disparait et sera compensée à partir des impôts les plus favorables, soit celles de 2009 soit celles de 2010 et avec un taux égal à celui de 2008 + 1%.
Les trois autres taxes feront toujours l’objet d’un vote des taux.
Concernant les recettes de fonctionnement, vous nous annoncez une stagnation par rapport à 2009. Cela est surprenant, car la principale information dans ce domaine est la fin de la chute des droits de mutation et leur augmentation estimée pour 2010 d’environ 7% soit un passage de 121,6 M€ à 130 M€.
Votre approche, cette année est donc très prudente… L’année dernière vous sous estimiez la baisse, cette année vous ne parlez pas de la hausse !
Concernant les dépenses de fonctionnement, vous tablez sur une évolution maitrisée entre 1,2 et 3%. Il est ainsi prévu de réaliser des économies d’échelle, voire de prendre des mesures contraignantes.
Cela reste un peu flou, le groupe Gironde Avenir demande depuis très longtemps un vrai plan global d’économies sur les coûts non salariaux. Non pas des « économies sur le papier hygiènique » comme le suggerai Gilles Savary lors de notre denrière plénière… Souhaitons que nous soyons enfin entendus et que les résultats soient visibles… Si une commission est créée pour la réduction des coûts, nous y participerons.
Quels sont les arbitrages possibles ?
Avoir recours à l’emprunt ?
Vous semblez particulièrement mal à l’aise avec la gestion de la dette. Pourtant, l’augmentation de l’encours de la dette est une chose normale quand on doit faire face à une crise nationale et internationale d’une telle ampleur. Il faut surveiller la capacité de désendettement, qui en Gironde reste raisonnable : 4,7 ans (le seuil d’alerte d’après le cabinet Klopfer est autour de 12 ans et celui du danger autour de 15 ans).
Pour l’avenir, vous souhaitez limiter le recours à l’emprunt par crainte d’une escalade rapide de la capacité de désendettement. Nous pensons que c’est une erreur.
Augmenter les impôts ?
En 2010, vous proposez de d’augmenter les taux de la Taxe d’Habitation, de la Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties et la Taxe Foncière sur les propriétés non bâties. C’est à dire les trois taxes « ménages ».
Alors même que vous reconnaissez que la situation financière « n’est pas catastrophique », vous tablez sur une hausse de 3 points de fiscalité !
Cela ressemble plus à un baroud d’honneur politique du Président Madrelle avant de perdre le vote des taux de deux de ces taxes (la TH et la TFNB).
Le bénéfice pour les finances départementales restera faible mais pour les Girondins, ce sera une nouvelle attaque contre leur pouvoir d’achat dans cette période difficile. Non content d’inquiéter tout le monde avec vos courriers et votre communication alarmiste, voilà que vous voulez augmenter l’impôt ménage de 3% !
Investir ?
Principale décision de ces Orientations Budgétaires, c’est le choix, par la majorité, d’un moratoire sur les subventions d’investissements en 2010.
Seul, le FDAEC échappe à cette terrible décision.
Alors que la situation financière ne l’impose pas et que la sortie de crise est encore loin d’être acquise, vous décidez d’abandonner les Girondins à leur sort.
Monsieur le Président, vos propositions sont cousues de fil rose !
Vous vous servez des contribuables girondins pour poursuivre le bras de fer politique que vous avez engagé contre le gouvernement. Dans ce bras de fer, les Girondins sont pris en otages.
Finalement, au moment où il faut accompagner la sortie de crise et miser sur l’avenir, les Orientations Budgétaires 2010 du Conseil Général sont celles d’une majorité qui s’inscrit dans une gestion fataliste et résignée d’une crise qu’elle pense perpétuelle.
Sans doute une question de tempérament et d’ambition pour le futur…
Aux Girondines et aux Girondins qui reçoivent des lettres désespérées du Président du Conseil Général, aux Maires et aux Présidents de Communauté des Communes qui sont inquiets, aux Présidents d’Association à qui l’on dit que l’on ne pourra plus les aider, nous disons, en 2011, vous aurez l’occasion de changer de majorité ! Une autre Gironde est possible !
- Quand Philippe Madrelle et sa majorité veulent cesser l’investissement au risque de pousser la Gironde au fond du trou, le Groupe Gironde Avenir préconise de maintenir l’investissement ! Geler les investissements en Gironde est une attitude suicidaire !
- Quand Philippe Madrelle veut augmenter de 3% les impôts des ménages, nous proposons de faire des économies dans les coûts non salariaux et dans les achats. Augmenter de 3% les impôts des Girondins est une attitude irresponsable ! Aujourd’hui, l’augmentation des impôts est impossible. Nous préconisons un véritable travail de gestion et des maîtrises des coûts.
Comme le disait Michel Klopfer lundi dernier à l’occasion de la présentation de son audit, ce qui se passe dans les collectivités est une véritable révolution ! « Il est fini le temps où on alignait les dépenses, et ensuite on adaptait les recettes en augmentant les impôts. Aujourd’hui, les recettes sont fixées et il faut adapter les dépenses ».
Je vous remercie.
Yves d’Amécourt
Retrouvez l’article d’origine sur le blog d’Yves d’Amécourt
Lire l’article de Sud Ouest du 02 février 2010
Découvrir le rapport Klopfer
Lire l’article du journal Bordeaux Actu
Télécharger la synthèse de l’Observatoire des charges transférées