Intervention d’Yves d’Amécourt sur les Orientations Budgétaires 2014
Assemblée plénière du 25/10/13
Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Ces Orientations Budgétaires 2014 sont marquées par un retour à l’optimisme de votre part.
Le Président l’a clairement exprimé dans la presse et cela est décliné dans son rapport où il se félicite du contexte de cette année 2014.
Tout va bien ! Le bonheur est dans le pré !
Notre Président ressemble en cela à notre Président de la République dont vous il dit souvent que c’est un « très bon », qu’il connait ses dossiers et qu’il fera s’inverser la courbe du chômage dans le contexte d’un quinquennat qu’il a voulu, lui aussi, « inversé »…Tout cela est renversant.
Les raisons de cet optimisme semblent s’appuyer sur différents éléments :
– Une certaine « marge de manœuvre » financière du Conseil Général de la Gironde.
Cela n’est pas une surprise après la politique d’attente menée au Budget Supplémentaire et nous venons de le voir à la DM2. En consacrant l’autofinancement à la diminution du programme d’emprunt, le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas le poids de la dette qui nous gène en Gironde. Si vous ralentissez l’investissement, c’est sur que ça donne des marges de manœuvre… Mais est-ce bien là, le rôle des collectivités locales ?
– Vous mettez également en exergue les engagements obtenus par les Départements de France auprès du Gouvernement en matière financière.
Vous vous félicitez tout particulièrement de l’écoute du Gouvernement et des résultats obtenus.
Or si on regarde de plus près ces engagements, on constate qu’il ne s’agit absolument pas de changement structurel dans le mode de financement des dépenses sociales contraintes, pourtant votre cheval de bataille, Monsieur le Président, sous le Gouvernement Fillon !
Par ailleurs, les financements que doit mettre en place la Loi de Finances pour 2014 concernent, d’une part un fonds de compensation alimenté par les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Fonds que l’on annonce de 830 M€ mais dont on ne sait que peu de choses à ce jour, à tel point que cela remet en cause l’intérêt de voter le Budget Primitif 2014 en décembre prochain.
Ce sera 830 M€ de moins dans le budget de l’Etat…qui lui-même annonce une ponction de 1,5 milliards sur les dotations aux collectivités locales, dont 800 M€ sur le bloc communal… Au final, c’est le bloc communal qui va assumer le cadeau que vous promet le gouvernement !
D’autre part, doit être mis en place un dispositif pour 2 ans permettant aux Conseils Généraux qui le souhaitent d’augmenter le taux des droits de mutation (DMTO) jusqu’à 4,5%. Cette dernière mesure pourrait représenter 35 M€ en année pleine pour le Conseil Général de la Gironde mais cela pourrait aussi engendrer un effet boomerang violent.
Voilà donc une nouvelle augmentation d’impôt qui verrait le jour en pleine « pause fiscale » !
– Enfin, Monsieur le Président, votre humeur financière badine semble être alimentée par les annonces de reprise économique et d’inversion de la courbe du chômage. Si tel était le cas, cela pourrait avoir des effets très positifs sur les postes budgétaires tels que la CVAE ou le RSA pour ne citer qu’eux.
Malheureusement, Monsieur le Président, je crains fort que la réalité ne soit pas aussi enchanteresse… Car le Président de la République n’est pas Mary Poppins. Inverser la courbe du chômage ne se décrète pas. Prononcée toutes les semaines, la phrase magique « j’inverserai la courbe du chômage » ne suffit pas à l’inverser. Et rien n’est fait dans la politique nationale pour faire que la courbe du chômage s’inverse…bien malheureusement !
Le gouvernement est plus occupé à changer les modes de scrutin avant les prochaines élections : rabaisser le seuil à 10% pour permettre la présence du Front National au second tour de toutes les élections, augmenter le nombre des grands électeurs dans les zones urbaines pour permettre à la gauche de conserver le Sénat, procéder à un redécoupage politique des cantons dans l’urgence pour se protéger d’une vague bleue en 2015…
Ici, en Gironde, on a organisé une séance exceptionnelle, dans l’urgence, sans utiliser les 6 semaines de débat que nous permettait la circulaire de Manuel Valls pour adopter à la hâte une carte des cantons sans aucune cohérence territoriale. D’ailleurs ce sentiment est partagé par l’un des vôtres en réunion de bilan hier soir à Nansouty qui a déclaré : « ce découpage n’est pas approprié, car il ne tient pas compte de la vie des quartiers ».
Je suis élu depuis 2004 dans cette assemblée, je ne me souviens pas avoir été convoqué à quelque moment que ce soit, dans l’urgence, pour parler de l’emploi en Gironde !
Ainsi, nous sommes bien plus inquiets que vous sur la situation de notre pays dans les mois à venir. Nous sommes inquiets pour la Gironde, pour notre collectivité.
Quand je dis nous, cela ne veut pas dire juste votre opposition, Monsieur le Président.
Je parle aussi de membres importants de votre équipe.
Ainsi on peut lire sous la plume de vos proches :
« A la baisse structurelle des recettes départementales subie antérieurement, s’ajoute aujourd’hui une réduction conjoncturelle de nos ressources »
Mais aussi : « Cette année la difficulté s’est encore accrue du fait d’un contexte particulièrement contraint pour les finances des départements »
Ou bien encore : « Un effet ciseau structurel tend à dégrader l’équilibre financier des départements et nous incite à de la prudence dans nos dépenses ».
Tous cela est très vrai, Monsieur le Président.
Le chômage est toujours en forte progression en septembre.
Du reste, dans votre rapport, entre les lignes, l’aveu d’échec se glisse insidieusement. Qui ne se souvient pas de la petite musique « moi Président j’inverserai la courbe du chômage avant la fin de l’année » François Hollande parlait, bien sûr, de l’année 2013. Or dans votre rapport, cette belle perspective est annoncée seulement en 2014 et je ne crois pas que ce soit une faute de frappe…
Quand on n’atteint pas ses objectifs, il est assez facile d’en changer !
Le frémissement de la croissance que nous observons ne sera pas suffisant pour recréer les emplois détruits surtout dans l’industrie qui ne bénéficie toujours pas d’une politique ambitieuse et structurante.
– Vous avez refusé la TVA-Sociale, pour créer une TVA-anti-Sociale !
– Vous avez remplacé la TVA anti-délocalisation, par une TVA anti-consommation !
– Vous ne cessez d’élaguer le pouvoir d’achat des Français !
Pour souffler sur les braises de la croissance, il faut du pouvoir d’achat et de l’investissement et dans ce domaine, le Gouvernement a tout faux.
Le matraquage fiscal qui est imposé aux Français est insupportable et contre-productif.
Après le sénateur Philippe Esnol, c’est à présent au tour du maire de Fleury-Mérogis, David Derrouet, d’annoncer son départ du Parti Socialiste.
Je le cite : «Toutes les promesses (de campagne) ont été reniées, François Hollande promettait de faire payer la finance et il fait payer les classes moyennes ».
Ce « tout fiscalité », aussi bien sur les entreprises que sur les ménages et décidément la marque de fabrique de la gouvernance socialiste que nous avons si souvent dénoncée ici, au sein de cet hémicycle.
Voilà le réel contexte de ces Orientations Budgétaires 2014.
Vous y proposez encore une hausse du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Dès que cela sera possible, vous procéderez à la hausse du taux des DMTO.
A Paris, vos amis promettent une pause fiscale en 2014 ? Qu’est devenue votre solidarité avec les consignes du Parti Socialiste ? N’avez-vous pas reçu les éléments de langage ?
A moins que cela ne soit prévu seulement pour 2015…année d’élection ?
Au niveau des dépenses de fonctionnement, il faut saluer la règle annoncée de ne dépenser que ce que l’on gagne en recette, cela parait évident mais c’est assez nouveau pour le Conseil Général.
Pour les subventions du Conseil Général, votre optimisme, Monsieur le Président, vous conduit juste à faire une pause dans les coupes sombres prévues et donc de maintenir le niveau de 2013… En fait vous promettez d’éviter les coupes que vous aviez vous-même organisées… Cela me rappelle quelqu’un !
A noter l’annonce de la refonte du FDAEC pour 2015 dans le contexte de mise en place des nouveaux cantons autant dire que tout est possible tant ce sujet est en train de devenir le théâtre de la pire réforme électorale de l’histoire de la République française.
Je ne parle pas du « duo d’élus » un mode de gouvernance que l’on n’a pas vu en politique dans le reste du monde depuis le XIXème siècle : c’était au Chili et ce fut un fiasco !
Enfin en terme d’investissement, le plan triennal présenté lors de ces Orientations Budgétaires annonce un niveau d’investissement conséquent mais nettement inférieur aux niveaux antérieurs. En moyenne sur la période, elle devrait afficher 217 M€ contre 281 M€ au BP 2013. On peut remarquer l’absence de réel nouveau projet structurant de grande ampleur pour le Département.
En conclusion, ces Orientations Budgétaires sont présentées en s’appuyant sur un optimisme national mal venu et paradoxalement poursuivent dans les faits une gestion sans envergure et pesante fiscalement engagée depuis déjà plusieurs années en Gironde.
L’autre enseignement est l’importance dans ces orientations budgétaires, de la future Loi de Finance actuellement en débat à l’assemblée nationale. Tout ceci devrait nous inciter à repousser le vote de ce budget en mars 2014 comme nous l’avions déjà fait en 2010…Mais à l’époque, vous étiez dans l’opposition nationale !
Nous assisterons donc au vote du budget en décembre, sans bien savoir ou nous allons et si le mur est encore loin… et en janvier nous ferons une DM zéro !
Je finirai par une citation du grand généticien, Albert Jacquard: « Entre le pessimisme désespéré et l’optimisme satisfait, la seule certitude raisonnable est le volontarisme ».
Je vous remercie.