Motion relative au projet de réforme territoriale
Présentée par Liliane Poivert
Le projet de loi sur la réforme territoriale actuellement en discussion au Parlement prévoit la modification du mode de scrutin pour les élections cantonales.
Si certaines dispositions du projet, telles que le changement de nom (le conseil général devient conseil départemental) ou le passage d’un renouvellement par moitié tous les 3 ans à un renouvellement unique tous les 6 ans, font l’unanimité, le mode de scrutin, en revanche, soulève l’inquiétude des élus ruraux.
C’est pourquoi il paraît essentiel d’attirer l’attention de tous sur ce nouveau mode de scrutin proposé et ses éventuelles conséquences. Le projet de loi prévoit l’élection de deux conseillers départementaux par canton au scrutin majoritaire à deux tours. Les candidats se présenteront en binôme constitué obligatoirement d’un homme et d’une femme. Le texte prévoit également le redécoupage des cantons sur la base du seuil minimum de 32 000 habitants.
La Gironde passerait ainsi de 63 cantons à 33 « supers-cantons » (d’une population moyenne de 45 000 habitants).
Le premier constat porte sur le fait que cette réforme entraînera dans certains départements, et en premier lieu en Gironde, une augmentation du nombre d’élus départementaux, de 63 à 66. Alors qu’il est aujourd’hui plus que jamais indispensable de maîtriser les finances publiques, cette augmentation du nombre d’élus ne semble pas très opportune.
Ensuite, la création d’un binôme provoquerait des situations ingérables. Ce mode de scrutin, unique au monde, permettrait à deux personnes d’être élues d’un même territoire. Comment serait la gestion d’une commune s’il y avait deux Maires, d’un département, s’il y avait deux Présidents de Département ou d’une Région s’il y avait deux Présidents de Région ? De ce fait et par conséquence, il ne peut y avoir deux représentants d’un même canton.
Le caractère binominal compliquera inutilement le fonctionnement de la démocratie locale : deux représentants, deux points de vue, deux sources d’information pour les habitants d’un même territoire au nom d’une seule collectivité ! Qui fait quoi ? Que se passera-t-il quand les deux ne parleront pas d’une seule voix ? Statu quo…Au final, personne ne fait rien… La dimension binominale sera source de confusion sur le terrain mais également dans l’hémicycle.
La féminisation de nos institutions est un objectif indiscutable mais cela peut se faire de multiples façons mais surtout pas au prix de l’éloignement de nos élus des territoires ruraux.
Enfin, en redécoupant les cantons, ce projet de réforme déséquilibre la représentation des territoires ruraux par rapport aux territoires urbains et met gravement en péril le rôle de proximité du conseiller général. Il était jusqu’à présent un médiateur entre les institutions et les citoyens, un facilitateur de projets et un rempart contre l’enclavement et l’oubli de certains territoires.
Avec au minimum 32 000 habitants dans les futurs cantons, sans prise en compte des bassins de vie et des spécificités géographiques, ce rôle sera de fait impossible à assumer à l’avenir pour les élus.
Les Français sont viscéralement attachés au département, à leur canton et à leur conseiller général. Cette réforme est un coup de canif supplémentaire porté à l’une des plus vieilles institutions territoriales.
N’ajoutons pas à la difficulté de vivre dans des territoires enclavés et trop souvent abandonnés, l’humiliation de vous entendre dire que vous ne représentez plus rien !
Notre hémicycle est la sentinelle de nos territoires et nos terroirs. Nous sommes à un tournant de l’histoire. Prenons garde car la mort politique d’un territoire précède toujours sa mort économique et sociale.
Si comme vous aimez être présenté, vous êtes, Monsieur le Président, le grand défenseur de la ruralité girondine, nous vous demandons solennellement d’agir et de militer auprès du Gouvernement pour amender ce texte et sauver les cantons ruraux :
– en prenant en compte la démographie des départements au niveau national,
– en maintenant l’écart de 30% entre le canton le plus peuplé et celui le moins peuplé,
– en refusant le binôme à la tête du canton pour conserver le modèle 1 élu /1 canton,
Enfin, si un rééquilibrage des cantons ruraux est une nécessité, il doit se faire au regard de critères multiples et pas uniquement de population en restant de taille humaine et dans une large concertation.
Nous vous soumettons ainsi l’idée de créer une commission transpartisane au sein du Conseil Général afin de travailler tous ensemble à un projet de redécoupage dans l’intérêt général de nos territoires ruraux, richesse de notre Département.