Nouveau recours gracieux auprès du Premier Ministre

M. Manuel VALLS, Premier Ministre
Hôtel de Matignon – 57, rue de Varenne – 75007 Paris

Bordeaux,
le jeudi 19 juin 2014

Monsieur le Premier Ministre,

Le Journal Officiel de la République française a publié dans les derniers jours du mois de février 2014 et les premiers jours du mois de mars les 98 décrets portant révision des cartes cantonales, consécutive à la modification du mode de scrutin des élus départementaux prévue par la loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. La plupart de ces décrets, sinon la totalité d’entre eux, a fait l’objet de recours contentieux devant le Conseil d’Etat.

Cependant, depuis l’édiction de ces décrets pris par votre prédécesseur, la situation a considérablement évolué, du fait des déclarations successives et en partie contradictoires faites par vous-même lors de votre déclaration de politique générale du 8 avril et par Monsieur le Président de la République qui, après avoir annoncé la suppression des départements dès 2016, sans doute parce qu’il craignait de ne pas réunir la majorité lui permettant de modifier la Constitution, a reporté à 2020 la fin de la collectivité territoriale départementale.

Dans le même temps, selon le Chef de l’Etat :

  1. Les élections cantonales et régionales prévues au mois de mars 2015 seraient reportées à l’automne de la même année, de façon à permettre d’ici là d’opérer une réforme des régions dans laquelle le nombre de celles-ci serait réduit de 22 à 14.
  2. Les départements devraient se voir vider de leurs compétences principales au profit des régions et des intercommunalités.

Ce fondamental changement de circonstances justifie que votre gouvernement revienne sur le nouveau découpage des cantons, dans la mesure où celui-ci trouverait à s’appliquer au mieux de l’automne 2015 au mois de mars 2020, soit pour à peine plus de 4 ans. En effet, aux termes de l’analyse qu’a faite le Conseil d’Etat, précisément à l’occasion d’une demande tendant à l’abrogation d’un découpage cantonal ( Section, Association les Verts, CE 30 novembre 1990, req. n°103889, conclusions M. Pochard, publiée au Recueil), « Il appartient à tout intéressé de demander à l’autorité compétente de procéder à l’abrogation d’une décision illégale non réglementaire qui n’a pas créé de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction. »

Dans ces conditions, je vous demande d’abroger le décret n°2014-192 du 20 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Gironde « à la suite des changements dans les circonstances de fait postérieurs à leur édiction », qui viennent d’être rappelés, dans la mesure où ces changements rendent ces actes non réglementaires non créateurs de droits, illégaux, du fait de l’absurdité et du gâchis d’argent public qu’entraînerait la mise en œuvre éphémère des nouveaux cantons.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma haute considération.

Yves d’Amécourt